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Est-il possible de changer ?

Yuval Harari

Existe-t-il des connaissances, un savoir, qui permettent d’aborder Notre vie quotidienne avec plus de légèreté, plus de détachement, moins de souffrance ?

Changer, au cours d’une vie nous changeons certainement des comportements qui nous sont néfastes

Est-il possible d’atteindre une forme de sagesse, qui amène, une forme de paix  intérieure

Finalement qu est ce qui nous rend heureux , avoir des relations riches avec soi même et les autres tout le reste, quête de la richesse, du succès, de la notoriété, ne sont que des moyens pour avoir des relations de qualité enrichissante avec les autres et avec soi-même.

Notre entourage, nos connaissances : un élément constitutif de notre bonheur

L’étude a également démontré qu’une grande partie de cette sensation de joie et de bonheur résultait de nos relations. L’homme étant un être social qui ne peut se défaire des individus qui peuplent son quotidien. Nos cercles sociaux et nos relations proches : conjoints, famille et amis fonctionnent comme des stimulants sur notre humeur, de vraies sources de motivation. Plus encore, la qualité de ces relations impacte également l’état de santé des individus. Selon les résultats de cette même étude, les personnes qui étaient le plus satisfaites dans leur couple à l’âge de 50 ans avaient un très bon état de santé 30 ans plus tard.

La figure centrale du bouddhisme n’est pas un dieu, mais un homme,Siddhârta Gautama. Selon la tradition bouddhiste, Gautama était l’héritier d’un petit royaume himalayen, vers 500 avant notre ère. Le jeune prince fut terriblement affecté par la souffrance qu’il voyait autour de lui. Il vit que les hommes et les femmes, les enfants et les vieillards souffraient tous de calamités occasionnelles comme la guerre et la peste, mais aussi d’angoisse, de frustration et d’insatisfaction – lesquelles paraissent toutes inséparables de la condition humaine. Les gens poursuivent richesse et pouvoir, acquièrent connaissances et possessions, engendrent fils et filles, bâtissent maisons et palais.

Quoi qu’ils réalisent, pourtant, ils ne sont jamais contents. Ceux qui vivent dans la pauvreté rêvent de richesses. Qui a un million en veut deux. Qui en a deux en voudrait dix. Même les gens riches et célèbres ne sont jamais satisfaits. Tracas et inquiétudes ne cessent de les hanter eux aussi, jusqu’à ce que la maladie, le grand âge ou la mort mette fin à l’aventure. Tout ce que l’on a accumulé s’évapore comme simple fumée. La vie est une course folle qui ne rime à rien. Mais comment s’y soustraire ?

À vingt-neuf ans, Gautama s’éclipsa de son palais au cœur de la nuit, laissant derrière lui sa famille et ses biens. Tel un vagabond sans toit, il sillonna le nord de l’Inde, en quête d’un moyen d’échapper à la souffrance. Il visita des ashrams, s’assit au pied de gourous, mais rien ne le libéra entièrement : il demeurait toujours un fond d’insatisfaction. Il ne céda pas au désespoir. Il résolut d’étudier la souffrance par lui-même jusqu’à trouver une méthode de complète libération. Il passa six années à méditer sur l’essence, les causes et les remèdes de l’angoisse humaine. Et il finit par comprendre que la souffrance n’a point pour causes l’infortune, l’injustice sociale ou les caprices divins, mais les formes de conduite inscrites dans l’esprit de chacun.

L’intuition de Gautama est que, à toute expérience, l’esprit réagit par le désir, et que celui-ci implique toujours l’insatisfaction. En cas d’expérience désagréable, l’esprit cherche à se défaire de la source d’irritation. Si l’esprit fait une expérience agréable, il meurt d’envie que le plaisir demeure et s’intensifie. L’esprit est donc toujours insatisfait et ne connaît pas le repos. C’est très clair quand nous faisons l’expérience de choses déplaisantes comme la douleur. Tant qu’elle persiste, nous sommes mécontents et faisons tout pour l’éviter. Mais même les expériences plaisantes ne nous contentent pas. Nous craignons que le plaisir ne disparaisse, ou nous l’espérons plus intense. Les gens rêvent des années durant de trouver l’amour, mais ils sont rarement satisfaits quand ils le trouvent. Les uns craignent que leur partenaire les quitte ; d’autres ont le sentiment de s’être rangés trop vite et qu’ils auraient pu trouver mieux. Et nous connaissons tous des cas de ce genre.

Les grands dieux peuvent nous envoyer la pluie, les institutions sociales assurer la justice et un bon système de soins, et des hasards heureux faire de nous des millionnaires, mais rien de tout cela ne saurait changer nos structures mentales élémentaires. Même les plus grands rois sont donc condamnés à vivre dans l’angoisse, à fuir constamment le chagrin et l’inquiétude et à courir toujours après des plaisirs plus vifs.

Gautama s’aperçut qu’il existait un moyen de sortir de ce cercle vicieux. Si, quand l’esprit fait une expérience plaisante ou déplaisante, il comprend simplement les choses telles qu’elles sont, il n’y a pas de souffrance. Si l’on fait l’expérience de la tristesse sans désirer qu’elle s’en aille, on continue d’éprouver la tristesse, sans en souffrir. Il peut y avoir une réelle richesse dans la tristesse. Si l’on connaît la joie sans désirer qu’elle perdure et s’intensifie, on continue de la ressentir sans perdre sa tranquillité d’esprit.

Mais comment amener l’esprit à accepter les choses telles qu’elles sont, sans ce désir insatiable ? À accepter la tristesse comme tristesse, la joie comme joie, la douleur comme douleur ? Gautama élabora une panoplie de techniques de méditation qui exercent l’esprit à expérimenter la réalité telle qu’elle est, sans désir ardent. Ces pratiques exercent l’esprit à focaliser son attention sur la question « Qu’est-ce que je vis ? » plutôt que « Que voudrais-je vivre ? ». Il est difficile d’atteindre cet état d’esprit, mais pas impossible.

Gautama ancra ces techniques de méditation dans un ensemble de règles éthiques destinées à aider les gens à se concentrer sur l’expérience réelle et à éviter de se laisser aller à des désirs insatiables et à des chimères. Il donna pour instruction à ses disciples de ne pas tuer, mais aussi d’éviter la promiscuité sexuelle et le vol, puisque ces actes attisent immanquablement le feu du désir (de pouvoir, de sensualité ou de richesse). Quand les flammes sont totalement éteintes, le désir laisse place à un état de contentement parfait et de sérénité, connu sous le nom de nirvana (littéralement, « extinction du feu »). Atteindre le nirvana, c’est être libéré de toute souffrance, éprouver la réalité avec une clarté absolue, être délivré des chimères et des illusions. Très probablement fera-t-on encore l’expérience du déplaisir et de la douleur, mais cela ne nous plongera pas dans la misère. Qui a éteint son désir ne saurait souffrir.

Suivant la tradition bouddhiste, Gautama lui-même atteignit le nirvana et fut totalement délivré de la souffrance. Aussi est-il connu sous le nom de « Bouddha », qui veut dire « l’Éveillé ». Bouddha employa le reste de sa vie à expliquer ses découvertes aux autres, en sorte que tout le monde puisse se libérer de la souffrance. Il résuma sa doctrine en une seule loi : la souffrance naît du désir ; la seule façon de se délivrer de la souffrance est d’être pleinement libéré

du désir, ce qui ne saurait se faire qu’en exerçant l’esprit à vivre la réalité telle qu’elle est.

Pour les bouddhistes, cette loi connue sous le nom de Dharma ou Dhamma est une loi universelle de la nature. Que « la souffrance naisse du désir » est toujours et partout vérifié, de même que dans la physique moderne E = mc2 est toujours exact. Les bouddhistes croient à cette loi, dont ils font le point d’appui de toutes leurs activités. En revanche, la croyance aux dieux est pour eux d’une importance mineure. Le premier principe des religions monothéistes est : « Dieu existe. Qu’attend-Il de moi ? » Le premier principe du bouddhisme est : « La souffrance existe. Comment m’en débarrasser ? »

Le bouddhisme ne nie pas l’existence des dieux – ils sont décrits tels des êtres puissants qui peuvent apporter pluies et victoires –, mais ils n’ont aucune influence sur la loi. La souffrance naît du désir. Si une personne s’est libérée de tout désir, aucun dieu ne peut la rendre misérable. Inversement, dès lors que le désir naît dans l’esprit de quelqu’un, tous les dieux de l’univers ne sauraient le préserver de la souffrance.

Pas plus que les religions monothéistes, pourtant, les religions prémodernes de la loi naturelle comme le bouddhisme ne se débarrassent jamais vraiment du culte des dieux. Le bouddhisme reconnut l’existence des dieux et leur efficacité quand il s’agit de faire pleuvoir ou d’arracher une victoire. Il expliqua aussi aux gens que leur but ultime devait être de se libérer totalement de la souffrance, plutôt que de s’arrêter à mi-parcours pour se contenter de la prospérité économique et du pouvoir politique. Toutefois, 99,99 % des bouddhistes n’ont pas atteint le nirvana, et même s’ils espèrent le faire dans quelque vie future, ils consacrent l’essentiel de leur vie présente à poursuivre des succès mondains. Aussi ont-ils continué d’adorer divers dieux : les dieux hindous en Inde, les dieux du Bön au Tibet et ceux du shintoïsme au Japon.

De surcroît, le temps passant, plusieurs sectes bouddhistes ont donné naissance à des panthéons de Bouddhas et de Bodhisattvas : des êtres humains et non humains qui sont capables de se libérer de la souffrance, mais qui y renoncent par compassion, afin de venir en aide aux innombrables êtres encore piégés dans le cycle de la misère. Plutôt que d’adorer les dieux, beaucoup de

bouddhistes se mirent à vouer un culte à ces êtres éveillés, leur demandant de les aider non seulement à atteindre le nirvana, mais aussi à résoudre des problèmes prosaïques. Ainsi trouvons-nous dans l’Est asiatique maints Bouddhas et Boddhisattvas qui passent leur temps à faire pleuvoir, à enrayer les épidémies, voire à arracher de sanglantes victoires – en échange de prières, de fleurs colorées, d’encens parfumé et d’offrandes de riz ou de sucreries.

Extrait de Sapiens de Yuval Harari